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Aujourd’hui nous prenons le thé avec une invitée de pedigree royal. Elle appartient en effet à la dynastie égyptienne des Ptolémée, fière descendante d’un compagnon d’armes d’Alexandre Le Grand. Elle a gouverné l’Egypte, d’abord aux côtés de ses frères et époux Ptolémée XIII et Ptolémée XIV, puis de Marc-Antoine. J'ai nommé : Cléopâtre VII Thea Philopator. Reine mythique s'il en est, dont la particularité est d’avoir traversé les siècles. A une époque où les femmes occupent rarement le pouvoir, Cléopâtre est parvenue à être l'un des pharaons les plus emblématiques d’Egypte et ainsi à entrer dans la légende. Votre journaliste préféré, Hermès Reporter, n'a pas hésité à descendre aux Enfers pour rencontrer sa majesté la reine.
Hermès Reporter : Majesté, merci d'avoir accepté cette invitation. Je me sens privilégié.
Cléopâtre : Avec plaisir. Il était grand temps que je prenne la parole. Moi qui ai tenu tête aux grands hommes de mon temps, je me désole de voir combien une femme peut être vilipendée par des êtres pétris de préjugés et combien de fausses rumeurs peuvent être colportées à l'infini.
Hermès Reporter : Justement, Θεὰ Κλεοπάτρα, s'il est une chose qui vous a valu autant d'éloges que de critiques, c'est votre beauté. Votre plastique était-elle trop belle pour être mortelle ?
Cléopâtre : Je ne sais pas. Vous me flattez. Dès mon plus jeune âge j’ai réalisé que je n’étais pas « ordinaire », n'en déplaise à mes frères qui dénigraient mon nez, mes seins, ma chute de reins… Il faut dire que l'amour ne régnait pas vraiment dans le palais. Et quand j’étais ado, les regards étaient souvent tournés vers moi… à mon plus grand désespoir. C'est le lot des figures royales. Qui plus est, nous autres, Egyptiens, nous avons un rapport au corps différent des Romains. La pudeur, par exemple, chez eux, est l'une des qualités que les femmes respectables doivent avoir. Or je le reconnais : question mise en scène, je ne me suis pas privée. Toutefois, je crois que Shakespeare et Pascal en ont un peu trop fait sur mon physique, qui n'a rien d'exceptionnel non plus.
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Hermès Reporter : Les deux tweets de Plutarque sur ce sujet seraient donc les plus justes à vos yeux ?
Cléopâtre : Ceux avec le #ViesParallèles ? Oui, ils se rapprochent assez bien de la réalité : c'est mon charme qui est incomparable. J'ai un je-ne-sais-quoi, ce nescio quid fait à la fois de corps et d'esprit, de douceur et de piquant... Je sais plaire. C'est indéniable.
Hermès Reporter : Plusieurs de vos détracteurs ont fait de vous une stratège avide de pouvoir, ensorceleuse voire prédatrice. Iriez-vous jusqu'à dire que la séduction est un outil pour gouverner ?
Cléopâtre : Oui, incontestablement. Mais ne me prêtez pas de basses intentions pour autant. J’aimerais rappeler que je suis une femme, fatale, certes, mais une femme avant tout. Et ce que je veux souligner par là, c'est qu’il a fallu que je me batte pour accéder au pouvoir, et qu'il a fallu que je me batte plus encore pour le conserver parce qu'à cette époque, 60 ans avant votre ère, la Méditerranée était menacée par les guerres et ambitions de l'Empire romain qui voulait étendre son pouvoir, non seulement sur l'Europe
toute entière, mais aussi sur le bassin méditerranéen et particulièrement l'Egypte, terre fertile et riche. Pour que l'Egypte garde son indépendance, ses richesses et ses valeurs, il m'a fallu déployer une imagination qui aurait fait pâlir Homère lui-même ! Il m'a fallu envoûter les leaders romains, Jules César d'abord et Marc-Antoine ensuite, pour passer une alliance avec nous. J'ai passé ces alliances, j'ai séduit les plus grands dirigeants de Rome, j’ai joué à un jeu plus que dangereux au nom du bien de mon peuple ! Il fallait se méfier de Rome. Rome a eu une stratégie de conquête à des fins de colonisation, officiellement pour la majestas populi romani... Mais Rome exploitait sans vergogne les ressources des pays conquis pour nourrir son peuple. J’ai protégé mon peuple et mon royaume au prix de ma propre vie sentimentale ! Vous citiez l'un de mes noms officiels, à l'instant. Savez-vous ce qu'il signifie ? Je suis « Κλεοπατρα Φιλοπάτωρ » soit « la gloire du père qui aime sa patrie ». J’ai fait honneur à ma dynastie, la patrie est passée avant ma vie. Vous savez, ma famille est l’héritière des Ptolémée, je me devais d’être à la hauteur ! Dans mon sang coule la gloire de l'un des plus grands généraux grecs qui s’est battu aux côtés d’Alexandre Le Grand.
Hermès Reporter : Quel dévouement ! J’ose néanmoins vous poser une question que pléthore de lecteurs se posent : la conception de vos enfants, fruits de vos amours politiques, relevait-elle de la tactique ?
Cléopâtre : Mes enfants ? Enjeux stratégiques ?! Non ! Ne vous laissez pas duper par ces petites starlettes, Properce, Virgile et j'en passe. Et permettez que je mette les choses au clair sur ce point. Ptolémée, Alexandre, Cléopâtre et Césarion ont été l'une des plus grandes sources de bonheur dans ma vie, centrée autour de mon royaume. Pourquoi croyez-vous qu’Antoine et moi ayons surnommé nos jumeaux avec des noms d’astres ? Ce n’était pas de l’hybris mais de l’amour. Et il serait bon que l'opinion de tous ces haters, qui se permettent de critiquer mes enfants, ne soit plus véhiculée : mes tords ne seront jamais les leurs.
Hermès Reporter : Soutenez-vous donc que votre relation avec Jules César était aussi sincère que celle que vous avez avec vos enfants ?
Cléopâtre : Moi-même je ne saurais vous dire. Mais si je suis une manipulatrice, ayez bien conscience du fait que Jules César n'est pas en reste en la matière... Pompée, Crassus et d'autres l'ont appris a leurs dépens. Moi j'ai su être à la hauteur. Même nos moments d’égarement étaient calculés. Mais quel panache il avait ! Ah ! Notre rencontre en l'an 48... Je ne peux m’empêcher de rougir en repensant à la gaucherie caractéristique des premiers émois...
Hermès Reporter : Voilà un sourire susceptible de réchauffer le cœur des Erinyes elles-mêmes... Est-ce lui qui vous a permis de conquérir le cœur de Jules César ? Plutarque est assez évasif sur votre rencontre avec lui. Que pouvez-vous nous en dire ?
Hermès Reporter : Comment avez-vous vécu la tragédie de sa mort ?
Cléopâtre : Ahahaha… Excusez-moi mais le terme tragédie ne peut que me faire sourire, César a toujours été ce que vous appelez aujourd’hui une drama queen, toujours dans le faste, dans l’excès. Je sais peu de choses sur son assassinat. La mort de mon amant a été une surprise totale. Je savais que l'exercice du pouvoir à Rome était compliqué, mais je n'imaginais pas que son pouvoir était si fragile. La stupéfaction a été générale, d'ailleurs. Il y a une chose que j'ai mal prise, en revanche : apprendre que le testament ne mentionnait même pas le nom de notre fils Césarion, mais seulement les deux héritiers officiels de César, Octave et Marc-Antoine... Amère déception. J’ai partagé le lit, les nuits et les envies du grand général devenu dictateur, je l'admets, mais j’ai aussi eu l’espoir, sans doute fou, je vous le concède, d’entrer dans son cœur… J’étais furieuse, absolument outrée par cet oubli stratégique.
Hermès Reporter : "Oubli stratégique"... Curieuse formulation.
Cléopâtre : Jules était brillant. Son choix, même surprenant, était forcément réfléchi. Mais il m'a mise dans une situation délicate. Dans ces conditions plus que défavorables, j’ai pris la décision de quitter Rome très vite, en pleine confusion, pour rentrer à Alexandrie et reprendre les commandes de l'Egypte.
Hermès Reporter : Retour triomphal de la reine ?
Cléopâtre : Pas du tout ! J’ai retrouvé une terre asséchée au bord de la famine ! Or "pas de Nil, rien au fournil", comme on dit en égyptien. Faute de blé, je craignais des émeutes, surtout avec le manque de savoir-vivre des légions romaines restées ici. Malgré le deuil et la confusion, j’ai réussi à tirer un profit : c’est à sa mort, en -44, que je suis devenue LA pharaonne d’Egypte. Un immense honneur pour moi, mais surtout de nouvelles responsabilités. Pourtant, je ne le regrette en aucun cas. Et... comme vous dites aujourd’hui « un mal pour un bien » : j'ai perdu Jules, mais c’était pour laisser place à mon bel amour, Marc-Antoine…
Hermès Reporter : Oh ! Je vous en prie majesté, ne laissez pas cette larme solitaire s’échapper de vos beaux yeux semblables à un kaléidoscope reflétant la beauté de l’Egypte millénaire...
Cléopâtre : Vil charmeur ! Si seulement vous pouviez imaginer à quel point Antoine, malgré notre amour initié par la politique, pour le bien de nos territoires respectifs, a été important pour moi… J’ai connu Marc-Antoine quand j'avais 15 ans. Il nous avait un peu aidés à mettre de l'ordre dans la succession de mon père. Je l'ai revu beaucoup plus tard, lors de mon séjour à Rome. A ce moment-là, il était général et nos rapports ont été, disons, plus intimes mais sans lendemain, c’est ce que les jeunes d’aujourd’hui appellent « un coup d’un soir ». Une puis deux, trois, quatre nuits de débauche sans mots échangés. Ce n’est qu’après la mort de Jules que nous nous sommes retrouvés à Alexandrie. Je vais être claire : il avait besoin de moi autant que j’avais besoin de lui. J’ai donc décidé d’œuvrer pour l’avoir à ma disposition en l’invitant à dîner sur un bateau que j'avais fait aménager pour la circonstance, avec bijoux, fleurs, nymphes, mets délicats, coussins moelleux. Le Nil, le coucher de soleil et la tiédeur de la nuit. C'est merveilleusement chaleureux, une croisière sur le Nil, surtout lorsque vous sentez une douce brise portant les saveurs du désert vous réchauffer le corps, le cœur et l’âme. J'avais 29 ans et lui 45. Ainsi a commencé une liaison torride qui a duré plus de dix ans.
Hermès Reporter : Que s’est-il passé pendant ces dix années ? La dernière interview d’Eris suggère que vous n’avez été que « belle et silencieuse ».
Cléopâtre : Ses paroles ne sont que calomnies ! Moi ?! Me taire face à un homme, une femme ou même une divinité ! Allons, on m’a traitée de tous les noms mais j’ai montré qu’une femme pouvait faire naître un empire immortel ! Je ne peux laisser passer ces propos tenus par cette… cette femme qui ne sait que créer des bad buzz ! Une pomme d’or… et puis quoi encore ? Anyway, depuis plus de 2000 ans, je ne me suis jamais retrouvée bouche bée devant un quelconque individu ! Bien. Revenons-en en à nos crocodiles et à mon Marc-Antoine. Pendant ces dix années, nous avons profité l'un de l'autre. Les choses étaient beaucoup plus faciles que du temps de César. Les Egyptiens avaient plus confiance en Marc-Antoine. Ensuite nous avons eu trois enfants, Ptolémée, mon digne descendant, Alexandre Hélios, mon petit soleil, et Cléopâtre Séléné, mon étoile. Enfin, nous nous protégions mutuellement. Je savais que je pouvais compter sur ses moyens militaires en cas de désordre et lui savait qu'il pouvait compter sur mes approvisionnements en blé, dans tous vos sens du terme.
Hermès Reporter : Quel était donc votre objectif final, Majesté ? Reconstituer un vaste empire en Orient ?
Cléopâtre : Très cher Hermès, la politique est vraiment terrible, vous avez toujours des conseillers ou des amis qui vous suggèrent des ambitions supérieures à celles que vous aviez au départ et des commérages qui vous font siffler les oreilles. J'étais très prudente à l’époque. Chi va piano, va sano e va lontano… Oh je suis désolée, mon plurilinguisme me rattrape ! J’ai toujours eu cette maxime à l’esprit. Mais Marc-Antoine avait des problèmes avec Rome. Octave le soupçonnait d'avoir des intentions belliqueuses et le pensait dirigé par Mars... ou par moi ! Et il ne s'est pas gêné pour manipuler l'opinion publique.
Hermès Reporter : Vous sous-entendez que ce sont des fake news créées par Octave ?
Cléopâtre : Je ne le sous-entends pas : je l'affirme. Il est vrai qu’Antoine avait des ambitions, mais vers l'Orient. Mais gérer un royaume comme je l’ai fait n'est pas à la portée de tous. Marc-Antoine voyait trop grand, il gagnait des terres sur lesquelles il n'avait pas les moyens d'organiser un contrôle administratif et militaire. Aucune organisation n’était prévue ou mise en place. Je me souviens en particulier d'un retour triomphal à Alexandrie, le jour où il a proclamé Césarion "le roi des rois de l'Orient", pour me faire plaisir. J’étais heureuse de voir mon aîné régner, monter en puissance. Mais tout cela était mal préparé politiquement, stratégiquement, médiatiquement.
Hermès Reporter : Je suppose que tout cela n’a pas fait que des heureux…
Cléopâtre : Ce manque de méthode et de tact a évidemment fini par déplaire, ce n’est pourtant pas faute de l’avoir prévenu mais vous le connaissez, borné comme il est, il ne m’a pas écoutée. A Rome, on n'acceptait pas ces démonstrations de puissance brute, sans grand raisonnement. La guerre entre Octave et Marc-Antoine s'est alors avérée incontournable. J’ai imploré mon amant d’arrêter ces projets grandioses et surtout hasardeux. Mais cet obstiné ne m’écoutait pas malgré de larmoyantes supplications tout droit sorties de mon cœur déjà bien trop éprouvé... Octave craignait le pouvoir de Marc-Antoine, qui restait très populaire au Sénat. Octave n'a pas non plus accepté la nomination de Césarion "roi des rois" parce qu'il savait que Césarion était le seul fils de César. Césarion avait donc une certaine légitimité aux yeux des Romains que lui n’aurait jamais. Octave, à Rome, y voyait une menace. Il a toujours été parano, vous savez... Il pensait que je voulais, moi aussi, venir prendre tout le pouvoir à Rome. Je n'y avais jamais songé, mon bien-aimé royaume a toujours primé sur le reste.
Hermès Reporter : Effectivement, votre attachement à l’Egypte a toujours été au centre des chroniques et le restera sûrement encore longtemps. Avez-vous quelque chose à répondre à la story d'Horace, retweetée à plusieurs millions de reprises ?
Cléopâtre : Assurément mon cher ! Parce que vous imaginez bien que les Romains ne m'ont effectivement guère aimée ! J'étais, sans utiliser de filtre, la putain du général ou la putain du Nil, une conquête de César parmi des centaines, mais une conquête prestigieuse, incroyablement séduisante et puissante. Alors, pour eux, il n'était pas question que j'offre une descendance à César. Pourtant, Jules en désirait une ardemment : c'était important pour un homme, mais dans son cas, c'était aussi parce que la mort de Julia, la fille unique née de sa première union, l'avait dévasté. Césarion était un cadeau inespéré pour lui, et gênant pour son peuple. D'où la rumeur persistante qu'il n'était sans doute pas de lui.
Cléopâtre : Quel honneur ! Pouvais-je rêver meilleur éloge ? Le roi du sarcasme, le chantre de la volupté, le poète du prince qui me choisit pour cible, avouez que c'est délicieusement ironique. Un poète qui ne s'est jamais marié et qui écrivait pour son copain le gringalet... C'est si dérisoire... Croyant m'insulter, sa verve venimeuse a plutôt montré ceci : je faisais trembler les hommes, les hommes les plus puissants. En fait, aussi désagréable soit-il, je m'efforce de voir le Cleopatrabashing comme la preuve de mon pouvoir, que les Romains, épris de virilité et de M autres idéaux que je bousculais, n'affectionnaient guère. Ca m'a valu d'apparaître sous la plume du top X des auteurs latins ! Horace n'est même pas le plus créatif ni le plus insultant, en réalité. Avez-vous vu passer le hashtag regina meretrix lancé par Pline ?
Hermès Reporter : Attendez, vous parlez de Pline. THE Pline ? La coqueluche des scientifiques ? Avec ses conseils lifestyle ?
Cléopâtre : Oui. Apparemment, de l'exposé scientifique sur les fruits de mer à la "reine putain", il n'y a qu'un pas.
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Cléopâtre : Je devais parvenir jusqu'à lui en toute discrétion car la situation était tendue à Alexandrie. Jules lui-même était plus ou moins contraint de rester dans le palais par mon incapable de frère, conseillé - pour ne pas dire dirigé - par ses sbires. Néanmoins, au-delà de cette audacieuse ruse, je l’avoue, le fait que j’aie une trentaine d’années de moins que lui l’a bien évidemment attiré. Ma fougue lui a toujours plu. Et puis, je pense qu'il voulait me montrer à son peuple tel un trophée à exhiber, pour affirmer son pouvoir en étant personnellement lié au premier fournisseur de céréales de Rome. En clair, avec moi les Romains ne manqueraient jamais de pain. Je leur apportais une assurance alimentaire. Reste à savoir s'il n'y avait pas une touche de provocation, aussi : une relation entre l’imperator adulé et une non-romaine ne serait jamais acceptée, il le savait. Et pourtant, il n'a pas hésité. Franchir les limites et piétiner les conventions était dans sa nature.
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Hermès Reporter : Suggérez-vous que le peuple de votre amant ne vous tolérait qu’à titre utilitaire ?
Hermès Reporter : Les hommes sont si imprévisibles...
Cléopâtre : Autant que le Vésuve !
Hermès Reporter : [rires] Ce n'est pas Pline qui vous contredirait... Justement, en parlant de ça, permettez-moi de vous poser une dernière question que tous sans exception se posent. Comment votre "vie inimitable" s'est-elle interrompue ? Suétone, dans le quotidien Auguste, a affirmé qu'Octave ne souhaitait pas votre suicide. Que s'est-il passé ?
Cléopâtre : Evidemment ! Octave aurait été heureux de pouvoir m'exhiber dans un triomphe, comme Jules l'avait fait avec ma sœur, Arsinoé ! Il était hors de question qu'il m'arrive la même chose. Une dernière fois, j’ai essayé de charmer pour m’en tirer ; cela n’a pas fonctionné… Je m’en doutais mais j’ai toujours été persévérante. Désespérée au point d’aller draguer ce freluquet... Vous avez dû le lire si vous suivez Plutarque, non ? Une de ses stories s'est fait l'écho de cette tentative : il a rapporté comment la dernière reine d’Egypte a, jusqu'au bout, tenté de préserver son royaume. Et en effet, j’ai essayé de négocier le maintien de ma dynastie auprès d’Octave : c’est l’échec de cette négociation qui m’a conduite aux portes d'Anubis. J’avais tout perdu : l’être que j’aimais plus que ma couronne, mon royaume et ma dignité, après cet ultime échec. La mort était préférable.
Hermès Reporter : Je comprends. Mais comment avez-vous rejoint l'Eternité, précisément, Majesté ?
Cléopâtre : Je souhaite conserver le secret, ou, du moins, laisser planer le doute. Les aspics, c'est romanesque. Certains ont aussi fait courir le bruit que je portais toujours du poison dans une aiguille à cheveux qui était creuse. D'autres soutiennent que ma mort n’est qu’un assassinat camouflé adroitement en suicide… Quoi qu'il en soit, c'est une ultime mise en scène réussie, vu que vous en parlez encore aujourd'hui ! Le mythe Cléopâtre a inspiré et inspire toujours les artistes : romanciers, dramaturges, poètes, compositeurs, graphistes et autres dessinateurs, tous plus talentueux les uns que les autres… Je préfère leur laisser la liberté d'imaginer. Je vis toujours à travers vos mémoires, à travers vos œuvres. Voilà comment j'ai gagné l'Eternité.
Hermès Reporter : Je vous remercie au nom de tous mes lecteurs pour votre honnêteté , Majesté. Nous avons tous passé un excellent moment auprès de vous.
Et c’est ainsi que s'est achevée cette interview riche en émotions avec l'une des femmes les plus emblématiques de l’Antiquité. Parée de bijoux s’entrechoquant, dont la mélodie semblable aux clapotis du Nil résonne encore dans mon cœur, Cléopâtre m'a quitté avec une grâce qu’envierait Aphrodite elle-même, laissant derrière elle des effluves de kyphi et une douce brume aux reflets orangés… Je l'ai regardée partir, avec l’espoir de revoir cette femme à la bouche d’or lors d’une balade au bord du Léthé ou autour d’un verre au bar de Tantale...
A bientôt, chers lecteurs, avec un prochain invité de choix.